Une telle question ne s'est jamais posée pour les contemporains des Egyptiens antiques qui nous ont laissé des témoignages sur eux. . .
Tous ces témoins oculaires affirment formellement que les Egyptiens étaient des Nègres.
Hérodote, à plusieurs reprises, insiste sur le caractère nègre des Egyptiens ; il s'en sert même pour faire des démonstrations indirectes ; pour prouver que les crues du Nil ne peuvent pas être dues à une fonte des neiges, il donnera entre autres raisons qu'il croyait valables, la suivante relative au pays de l'Egypte : « La troisième vient de ce que la chaleur y rend les hommes noirs... >> (Hérodote, Livre II, $:2. Traduction Larcher.)
Pour démontrer que l'oracle grec est d'origine égyptienne, Hérodote don. nera aussi entre autres arguments : « ... Et, lorsqu'ils ajoutent que cette colombe: & était noire, ils nous donnent à entendre que cette femme était égyptienne... » (II, 58). Les colombes en question symbolisent deux femmes égyptiennes qui auraient été enlevées de Thèbes pour fonder les oracles de Dodone et de Libye (Oasis de Jupiter Ammon). ' ..
Pour démontrer que les habitants de la Colchide étaient d'origine égyp tienne, et qu'il fallait les considérer comme une fraction de l'armée de Sésostris qui serait installée dans cette région, Herodote dira : «Les Egyptiens pensent
que ces peuples sont des descendants d'une partie des troupes de Sésostris. Je le conjecturai aussi sur deux indices : le premier c'est qu'ils sont noirs $ et qu'ils ont les cheveux crépus... » (II, 104).
Enfin, à propos des populations de l'Inde, Hérodote distingue les Indiens Padéens d'autres Indiens qu'il décrit de la façon suivante : « Ils sont tous de « la même couleur et elle approche beaucoup de celle des Ethiopiens... mais < noire comme leur peau et ressemble à celle des Ethiopiens. Ces sortes d'Indiens & sont fort éloignés des Perses ; ils habitent du côté du midi et n'ont jamais « été soumis à Darius... » (III, 101).(1) (2)
Diodore de Sicile écrit : Les Ethiopiens disent que les Egyptiens sont «'une de leurs colonies qui fut menée en Egypte par Osiris. Ils prétendent même que ce pays n'était au commencement du monde qu'une mer, mais
que le Nil entraînant dans ses crues beaucoup de limon d'Ethiopie, l'avait enfin comblé et en avait fait une partie du continent... Ils ajoutent que les « Egyptiens tiennent d'eux, comme de leurs auteurs et de leurs ancêtres, la « plus grande partie de leurs lois ; c'est d'eux qu'ils ont appris à honorer les rois comme des dieux et à ensevelir leurs morts avec tant de pompe ; la sculpture et l'écriture ont pris naissance chez les Ethiopiens... Les Ethiopiens < allèguent encore d'autres preuves de leur ancienneté sur les Egyptiens ; « mais il est inutile de les rappeler ici. » (Histoire Universelle, Livre 3, p. 341, traduction abbé Terrasson, Paris 1758.)
Si Égyptiens et Éthiopiens n'étaient pas de la même race noire, Diodore aurait souligné l'impossibilité de considérer les premiers comme une colonie (c'est-à-dire : une fraction) des seconds et de voir en ces derniers les ancêtres des Egyptiens.
· Strabon, dans sa Géographie, mentionne l'importance des migrations de peuples dans l'histoire et, croyant que le mouvement s'était effectué en sens inverse, remarque :
« Des Égyptiens se sont établis dans l'Ethiopie et dans la Colchide. » (Livre I, chap. 3, par. 10.)
Une fois de plus c'est un Grec, pourtant chauvin, qui nous apprend que Egyptiens, Ethiopiens et Colches appartiennent à la même race, confirmant la remarque d'Hérodote sur les Colches. (1)
L'opinion de tous les écrivains de l'antiquité sur la race égyptienne est en quelque sorte résumée par Maspéro (Histoire ancienne des peuples de l'Orient, p. 15)
« Au témoignage presque unanime des historiens anciens, ils appartenaient à une race africaine », entendez : nègre, « qui, d'abord établie en Ethiopie, « sur le Nil moyen, serait descendue graduellement vers la mer en suivant le e cours du fleuve... D'autre part, la Bible affirme que Mizraïm, fils de Cham, « frère de Koush l'Ethiopien, et de Canaan, vint de Mésopotamie pour se fixer < sur les bords du Nil avec ses enfants. »
D'après la Bible, l'Egypte était peuplée par la descendance de Cham, ancêtre des Nègres. « Les fils de Cham furent les suivants : Cusch, Mitsraïm, Path et & Canaan. Les fils de Cusch : Saba, Havila, Sabta, Raema et Sabteca... Cusch « engendra aussi Nimrod, c'est lui qui commença d'être puissant sur la terre... < Mistraïm engendra les Ludim, les Anamim, les Lehabim, les Naphtouhim, < les Patrousim, les Casluhim... Canaan engendra Sidon son premier né et < Heth... » (Genèse, X, 6 à 16. Trad. Louis Segond, 1948.)
Mizraïm désigne encore l'Egypte pour les Peuples da Proche-Orient, Canaan toute la côte de Palestine et Phénicie ; le Sennaar qui serait le point de départ de Nemrod vers l'Asie Occidentale désigne encore le Royaume de Nubię (voir Carte d'Afrique de Robert de Vaugondy, 1795). ... Que valent ces témoignages ? Ni les uns ni les autres ne sauraient être faux .
car ils sont des témoignages oculaires. Hérodote peut se tromper quand it rapporte les meurs de tel ou tel peuple, quand il fait un raisonnement plus ou moins astucieux pour expliquer un phénomène incompréhensible à son époque, mais on lui accordera au moins d'être capable de se rendre compte de la couleur de peau de gens qui habitent un pays qu'il a réellement visité: Du reste, Hérodoie n'a pas été l'historien crédale qui a tout enregistré, sans con trôle : il sait faire la part des choses ; lorsqu'il rapporte une opinion qu'il ne partage pas, il a toujours soin de le souligner. C'est ainsi qu'en parlant des ... mæurs des Scythes et des Neures, il écrit, à propos de ces derniers :
« Il paraît que ces peuples sont des enchanteurs. En effet, s'il faut en croire “ les Scythes et les Grecs établis en Scythie, chaque Neure se change une fois “par an en loup, pour quelques jours et reprend ensuite sa première forme. « Les Scythes ont beau dire, ils ne me feront pas croire de pareils contes ; ce n'est pas qu'ils ne les soutiennent, et même avec serment. “(IV, 105.)
Il souligne toujours avec soin la différence entre ce qu'il a vu et ce qu'on lui a rapporté. C'est ainsi qu'après sa visite au Labyrinthe en Egypte il écrit : : « Les appartements en sont doubles, il y en a quinze cents sous terre, quinze cents au-dessus, trois mille en tout. J'ai visité les appartements d'en haut ; « je les ai parcourus ; ainsi j'en parle avec certitude et comme témoin oculaire. Quant aux appartements souterrains, je ne sais que ce qu'on m'en a dit. Les . « Egyptiens gouverneurs du Labyrinthe ne permirent point qu'on me les montrât, parce qu'ils servaient, me dirent-ils, de sépulture aux crocodiles sacrés,
et aux rois qui ont fait bâtir entièrement cet édifice. Je ne parle donc des anciens cananéens alors fortement métissés, par le terme phénicien qui signifierait rouge et serait ainsi un ethnique.
Strabon va plus loin et tente dans sa géographie d'expliquer pourquoi les Egyptiens sont plus noirs que les Indous (la fameuse race rouge sombre des modernes).
On voit donc que les anciens distinguaient bien les nègres égyptiens et éthiopiens des sémites et des prétendues races rouges sombres.
Par conséquent, il est clair qu'aucune interprétation savante des termes ne permet ici d'échapper à la vérité en obscurcissant volontairement ce qui est limpide. En se livrant à de telles acrobaties, pour éviter d'accepter la simplicité des faits, on soulève, sans s'en rendre compte, des difficultés insurmontables.
Enfin, pour les Sémites eux-mêmes (arabes et juifs) les Égyptiens étaient des nègres .
Extrait de Nations nègres et culture de Cheick Anta Diop
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