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Côte d'Ivoire : Le message émouvant de la femme d'Alain Lobognon , le député en prison




9 mois...


9 mois, c’est le temps qu’il faut pour une femme pour concevoir un bébé et donner la vie. C’est après d’immenses douleurs et au bout d’un ultime effort que la mère pousse et enfin on peut entendre ce merveilleux cri du nouveau-né qui, pour la première fois, prend sa première inspiration.


Le plus beau miracle de Dieu... la vie !


Ces 9 mois représentent chez moi le temps que tu as passé en prison depuis ton arrestation et celle de tes compagnons d’infortune ce 23 décembre 2019.


Injustement et arbitrairement emprisonnés depuis cette date pour des motifs qu’on ne saurait l' expliquer tellement ils sont dignes d’une pièce de théâtre loufoque. Depuis cette date et jusqu’à ce jour, vous n’avez eu droit à aucun procès et continuez de croupir dans ces cachots comme de vulgaires malfrats.


Avec le temps, les enfants se sont résignés à me poser la question, à savoir, quand est ce que tu rentreras chez toi, auprès des tiens. Car c’est toujours la même réponse : « Les filles, papa et ses compagnons sont les marionnettes d’une pièce de théâtre dirigé par un marionnettiste et nous en sommes le décor. Mais un jour, la pièce de théâtre finit finira par s’arrêter. Gardons la foi. »


A chacune de mes visites, c’est pour moi, à la fois, une joie et une douleur.


La joie de te voir et pouvoir t’écouter me conter l’histoire de notre beau pays avec ses pères fondateurs et ses dignes fils qui ont bâti cette nation.


Ton amertume face à l’actualité du moment que tu suis grâce à cette petite « boîte magique » qu’on appelle la télévision.


Des regrets ? Oui tu en as comme tout être humain. Pas pour tes choix politiques ou ton combat pour la démocratie, les droits de l’homme et la liberté d’expression mais plutôt, pour l’homme que tu as porté au pouvoir avec tes camarades.



Beaucoup ne sont plus et je sais que tu penses tout particulièrement à ton ami Lamine Sanogo et à tous ces inconnus, ces martyrs de la nation quel que soit leur bord politique. Et je t’entends me dire : « Quel Gâchis ! »

Tu es un homme d’honneur dont la loyauté et la dignité ne s’achètent pas pour des piécettes d’argent comme ce fut le cas pour Judas Iscariot.


Tu regardes avec dépit ces hommes, ces camarades, ces compagnons qui, aujourd’hui, ont troqué leur dignité pour des honneurs dont ils ne pourront pas jouir devant la face de l’Eternel.


Tu me dis que cette prison est le sacrifice que tu dois faire pour expier tes fautes et aussi pour le combat pour la liberté et la démocratie définitives en Côte d’Ivoire. Comme je suis fière de toi, bien que ce soit difficile parfois.


Je n’oublierai jamais ta phrase « Mon Cœur, sois forte comme l’ont été jadis les femmes des pères fondateurs pour le combat de l’indépendance de notre Côte d’Ivoire. »


A chaque jour suffit Sa Grâce et je bénis Dieu pour la foi et la force qu’Il me donne.


Des erreurs de choix tu en as fait, mais tu ne regrettes pas d’avoir garder ta dignité et ton honneur. Tu as cru te battre pour un idéal auprès d’un homme que tu pensais être un démocrate ayant des valeurs d’humanisme et d’équité.

Malheureusement, comme tu me le dis, tu t’es trompé mais la vie est ainsi faite, elle nous enseigne à travers nos épreuves et ainsi nous permet, avec l’aide de Dieu de changer et de nous améliorer.


J’ai pu ressentir ton immense douleur à l’annonce de l’incarcération des femmes de GPS et Mme Gbalet Pulcherie. Ce fut pour toi le summum de la déception pour l’homme pour lequel tu t’étais battu pendant toutes ces années au sein du RDR. Jamais tu ne l’aurais imaginé, même dans tes pires cauchemars. Hélas !!!


Je revois le visage de tous tes compagnons que j’ai eu à rencontrer dans chacune des prisons ivoiriennes qui t’ont accueilli.


Je pense tout particulièrement au Colonel Aby Jean, au Commandant Kipré, au Colonel Modi et bien d’autres qui sont détenus depuis 2011; des oubliés de la République. Je pense aussi à leurs familles et à leurs proches. Nous, cela fait 9 mois, mais eux 9 ans.

9 longues années derrière ces barreaux, pour eux et leurs familles le temps n’a plus la même valeur.


La douleur qui m’étreint quand je dois te quitter et devoir attendre encore 15 jours avant de te voir. Savoir que tu restes enfermé dans cette cellule sans voir le soleil pendant 15 jours et sortir que lorsque je viens te voir.


Cette douleur qui brûle au fond de moi telle la lame d’un samouraï qui se fait hara-kiri. Avec dignité je marche la tête haute devant tes geôliers et j’entends la lourde porte de la prison se refermer derrière moi et je fixe l’horizon me répétant inlassablement mon mantra « ceux qui sèment avec des larmes récolteront avec des chants d’allégresse. »


Mon amour mien, les voies de Dieu ne sont pas nos voies. À Lui la gloire. Il est le Maître de notre destinée et je sais au fond de moi qu’Il ne nous donne aucune épreuve que nous ne puissions surmonter.


Je reprendrai encore cette route pour te visiter dans cette prison où tu es l’otage d’un système afin de savourer ces quelques minutes qui ont pour moi une valeur inestimable.


À bientôt mon tendre époux.


Ton épouse, Amira Lobognon.

À tous les détenus politiques de la Côte d’Ivoire , Pour la liberté et la démocratie.

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