Il y a 58 ans, le 17 octobre 1961, quelques mois avant la fin de la guerre d’Algérie, plusieurs dizaines (ou centaines, selon les sources) d’Algériens étaient tués à Paris au cours de la répression d’une manifestation . En 2012, le président François Hollande a reconnu officiellement, au nom de la République, cette «sanglante répression».
Depuis le 5 octobre 1961, tous les «Français musulmans d’Algérie» vivant à Paris et dans sa banlieue étaient visés par un couvre-feu leur interdisant de sortir de 20h30 à 5h30. Une décision prise par le préfet de police, Maurice Papon. La fédération de France du FLN décide de passer outre. Et demande à ses sympathisants de manifester contre cette décision. La manifestation est alors interdite. Plusieurs dizaines de milliers de personnes vont braver la menace. Il s’agit en majorité d’ouvriers qui se rendent «dans la capitale en costume du dimanche, comme s'ils allaient à "un mariage, à une fête"», rapporte Le Nouvel Observateur. Face à eux, le gouvernement de Michel Debré a placé des milliers de policiers. Une police «chauffée à blanc par les nombreuses pertes que lui font subir les attentats du FLN, et couverte par ses autorités de tutelle». De fait, les attentats ont repris dans l’Hexagone après la suspension des négociations ouvertes au printemps par le général de Gaulle avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GRPA), bras politique du FLN.
La répression est d’une rare violence : les forces de l’ordre font usage de matraques et d’armes à feu «sur les grands boulevards, au pont de Neuilly, sur le pont Saint-Michel». Plus d’un demi-siècle après, on ne connaît toujours pas le nombre de victimes : entre plusieurs dizaines (30 ? 40 ?) ou centaines (150 ? 200 ?) de tués. Alors qu’au départ, le bilan officiel parlait de deux morts. Des corps, dont ceux d’adolescents, seront même retrouvés dans la Seine. Plus de 12.000 personnes sont arrêtées et conduites dans des centres de détention.
Pour l’historien Gilles Manceron, cité par Le Monde, «il s’agit d’un événement d’une gravité exceptionnelle, dont le nombre de morts a fait dire à deux historiens britanniques (Jim House et Neil MacMaster) qu'il s'agit de la répression d'Etat la plus violente qu'ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l'histoire contemporaine». Selon Gilles Manceron, le président de Gaulle aurait fait savoir son mécontentement au Premier ministre Michel Debré en s’abstenant «de rendre publique sa désapprobation». «Il garde le silence, et prolonge d’une certaine manière l’occultation de cet événement».
De fait pendant des années, le drame a été passé sous silence. On en a reparlé à la fin des années 90, lors du procès de Maurice Papon pour complicité de crimes contre l’humanité en tant que secrétaire général de la préfecture de la Gironde à l’époque de l’Occupation. A tel point qu’en 1999, le tribunal correctionnel de Paris accepte le mot «massacre» pour qualifier la répression du 17 octobre 1961.
Pour autant, il a fallu attendre 2012 et l’accession de François Hollande à l’Elysée pour une reconnaissance officielle par un communiqué du nouveau chef de l’Etat : «Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes.»
«Le terme de crime n’est pas repris, et la responsabilité, sous-entendue, n’est pas clairement définie», réagit le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples).
Pour autant, cette reconnaissance passe mal auprès de la droite et de l’extrême droite. «Ce n’est pas au président de faire en permanence ce discours de culpabilité», a ainsi estimé l’ancien Premier ministre François Fillon. Pour le chef de file des députés UMP (aujourd’hui LR), «s’il n’est pas question de nier les événements du 17 octobre 1961 et d’oublier les victimes, il est intolérable de mettre en cause la police républicaine et avec elle la République toute entière».
Quant à la leader du FN, Marine Le Pen, elle a affirmé que «tout cela est profondément destructeur, profondément diviseur de la société française». Tout en qualifiant de «bobard» le récit officiel de cette répression.
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